Retour d'expérience sur le redoublement (maintien)


Au sein même des associations, les avis divergent sur le redoublement pour les enfants dys et les expériences relatées sont toutes très différentes. Je vous propose de vous faire partager la nôtre ...

A savoir :

La loi ne permet pas le redoublement à l'école maternelle, sauf si il est proposé par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées dans le cadre d'un dossier MDPH. Dans ce cas, on ne parle pas d'un redoublement mais d'un maintien.

Il est vrai que nous ne pensions pas être confronté à la possibilité d'un redoublement durant la maternelle ! Notre fille a été diagnostiquée dysphasique et dyspraxique avec un probable trouble attentionnel durant son année de grande section. Nous avons pu constater durant notre parcours l'importance de certaines rencontres ... et celle avec la maîtresse de grande section a été pour nous et notre fille déterminante. Jusque là, les maîtresses et la PMI nous avaient alertés sur le retard de langage et sur le fait que notre fille ne rentre pas dans les apprentissages. Mais à part des séances d'orthophonie, rien n'avait été mise en place et nous n'avions pas de diagnostic.

Quelques semaines après la rentrée, la maîtresse a détecté une différence de fonctionnement chez notre fille et nous a proposé d'utiliser plus de supports visuels et d'autres méthodes d'apprentissages. De façon très naturelle et comme la classe était organisée en deux niveaux, notre fille s'est rapprochée du groupe des Moyens qui lui correspondait plus. La maîtresse a alors fait recommencer une partie du programme des Moyens à notre fille avec le groupe mais aussi en cours de soutien scolaire, en utilisant d'autres approches et en étant souvent en relation duelle pour l'explication des consignes.

Par exemple, pour le tracé des lettres bâtons, la maîtresse a proposé de passer par la manipulation : déjà dans du sable, puis par le toucher de lettres rugueuses. Très rapidement, notre fille a progressé et a commencé à écrire son prénom. De la même manière, pour le dénombrement, la maîtresse a fabriqué une frise numérique que notre fille pouvait suivre avec son doigt. Et oh magie, notre fille a commencé à compter ! Et là on a constaté qu'avec des méthodes différentes et adaptées à notre fille, elle réussissait (enfin !) à accéder aux apprentissages.

La relation duelle a aussi était très importante pour rassurer notre fille et lui reformuler les consignes. On a tendance à minimiser l'impact pour un enfant de se sentir différent et à part du groupe. Il a fallu du temps pour que notre enfant reprenne confiance en elle et ose montrer ses nouvelles acquisitions.

Quelques mois après la rentrée, le diagnostic de dysphasie et dyspraxie a été posé et a conforté la maîtresse dans son approche. Sur les conseils de notre orthophoniste, de notre psychomotricienne et de la maîtresse, nous avons déposé un dossier MDPH en demandant une AVS et aussi un maintien en grande section afin que notre fille puisse rattraper son retard. Le but de ce maintien était de lui laisser plus de temps pour accéder aux acquisitions attendues pour le début du CP.

Très honnêtement, quand le maintien nous a été proposé pour la grande section, notre première réaction a été : "quoi en maternelle ? Pourquoi ne pas attendre le CP" ? Et ensuite on a pris conscience à quel point notre fille était déjà trop en décalage avec ses camarades de grande section (elle commençait seulement à parler de façon intelligible) et de sa souffrance face à ce décalage dont elle se rendait bien compte. Et surtout, nous avions pu constater qu'avec d'autres méthodes, elle était capable d'accéder aux apprentissages, cela fonctionnait ! La condition supplémentaire pour le maintien était de commencer l'apprentissage de la lecture dès la grande section car cela aide énormément à structurer le langage pour les enfants dysphasiques. Alors sans aucune certitude et en faisant abstraction des avis extérieurs ("tu ne vas pas faire redoubler ta fille en maternelle !?!!"), mais rassurés par l'avis unanime des spécialistes et de la maîtresse, nous avons accepté le maintien en grande section.

Avec le recul, je pense aussi que cette décision était difficile à prendre car accepter le maintien c'était accepter le handicap de notre fille et le rendre visible aux yeux de l'entourage ... de nombreuses personnes demandent encore à notre fille aujourd'hui pourquoi à son âge elle n'est pas au CE1 !

Notre dossier MDPH a été accepté et nous a permis d'obtenir une AVS mutualisée et le maintien demandé.

Notre fille a donc recommencé son année de grande section avec une AVS et des adaptations. Dans son cas, ayant revu autrement le programme des Moyens l'année précédente, il s'agissait en fait bel et bien d'une nouvelle grande section toujours avec la même maîtresse. Sa seconde année de grande section a été une véritable réussite : elle a rattrapé tout son retard et a même appris à lire avec la méthode des alphas pour préparer le CP. Cela lui demandé beaucoup d'efforts et de ténacité mais grâce à d'autres méthodes et un accompagnement renforcé elle a été enfin en réussite. Cela n'a pas eu que des impacts sur sa scolarité : elle s'est épanouie et a repris confiance en elle !

Pour conclure :

Voici mon avis sur le maintien pour les dys en me fiant à ma propre expérience :
  • Maintenir un enfant dys à l'identique ne sert à rien selon moi (même méthode, même moyen). Je dirai même que cela peut intensifier chez l'enfant le sentiment d'échec. 
  • Maintenir un enfant dys ne peut fonctionner que si on change les méthodes d'apprentissage. Dans ces conditions seulement, le maintien peut être bénéfique. 
  • En fonction de l'intensité des troubles, maintenir un enfant dys peut aussi nécessiter un renforcement de l'accompagnement (AVS) pour reformuler les consignes et le ramener à sa tâche.
  • En résumé : le maintien pour un enfant dys oui, mais en faisant autrement en prenant en considération toute sa différence de fonctionnement.
Pour imager cette conclusion, imaginez un enfant qui a des troubles visuels : pas de chance il voit flou et n'arrive pas à lire ! Il aura beau y mettre toute son énergie, vous  pourrez vous acharner à le soumettre à un entraînement régulier ... tant qu'il n'aura pas trouvé les bonnes lunettes réglées à sa vue, il ne pourra pas réussir à lire. 




Commentaires

  1. Bonjour,
    Je viens de tomber sur votre article. Je voudrais savoir s'il est possible d'échanger avec vous concernant le parcours de votre fille ? En effet, j'ai un enfant présentant une dysphasie sévère. Il est aujourd'hui en grande section et on me parle de maintien en GS. Je suis perdue face à cette décision. Si vous auriez un peu de temps à me consacrer, je serais très heureuse de pouvoir échanger. Je vous remercie par avance de votre retour et vous souhaite une belle journée.

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  2. Bonjour, je viens de tomber sur votre article, quelle bilan en faite vous plus tardivement ? êtes vous toujours satisfaite de cela ?

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    1. Les indystructibles15 décembre 2022 à 17:45

      Bonjour. Je vous confirme que nous n'avons aucun regret. J'ajouterai qu'il faut aussi prendre en compte la maturité de l'enfant. Personnellement, notre fille se sentait finalement mieux avec le niveau d'en dessous de son groupe d'âge. Aujourd'hui en CM2, elle évolue bien. Les bases sont bien acquises et elle a de plus en plus confiance en elle. Elle sera prête pour aller en sixième l'année prochaine. Ce qui aurait été compliqué je pense pour cette rentrée de septembre. Il s'agit cependant de notre propre expérience : beaucoup de paramètres doivent rentrer en compte car chaque enfant est différent.

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  3. Bonjour, je viens de tomber sur votre blog et spécifiquement sur votre article. Je vous remercie pour ce beau partage d’expérience, on se sent moins seule. Je me suis tellement retrouvée dans votre lettre. Et je suis aussi à ce jour un peu perdue car on propose un « maintien » en GS à mon fils qui a été diagnostiqué dyspraxique sévère (notamment au niveau de la parole et du graphisme). Chaque jour j’oscille entre suivre cette indication proposée par certains professionnels qui l’accompagnent ou le faire passer en CP comme le préconisent d’autres qui l’accompagnent aussi. Ce choix est vraiment difficile à faire je trouve.

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